dimanche 29 avril 2012

La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein. - Ce n'est rien: la Chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe.
J'existe. C'est doux, si doux, si lent. Et léger: on dirait que ça tient en l'air tout seul. Ça remue. Ce sont des effleurements partout qui fondent et s'évanouissent. Tout doux, tout doux. Il y a de l'eau mousseuse dans ma bouche. Je l'avale, elle glisse dans ma gorge, elle me caresse - et la voila qui renaît dans ma bouche, j'ai dans la bouche à perpétuité une petite mare d'eau blanchâtre - discrète - qui frôle ma langue. Et cette mare, c'est encore moi. Et la langue. Et la gorge, c'est moi.
Je vois ma main, qui s'épanouit sur la table. Elle vit - c'est moi. Elle s'ouvre, les doigts se déploient et pointent. Elle est sur le dos. Elle me montre son ventre gras. Elle a l'air d'une bête à la renverse. Les doigts, ce sont les pattes. Je m'amuse à les faire remuer, très vite, comme les pattes d'un crabe qui est tombé sur le dos. Le crabe est mort: les pattes se recroquevillent, se ramènent sur le ventre de ma main. Je vois les ongles - la seule chose de moi qui ne vit pas. Et encore. Ma main se retourne, s'étale à plat ventre, elle m'offre à présent son dos. Un dos argenté, un peu brillant - on dirait un poisson, s'il n'y avait pas les poils roux à la naissance des phalanges. Je sens ma main. C'est moi, ces deux bêtes qui s'agitent au bout de mes bras. Ma main gratte une de ses pattes, avec l'ongle d'une autre patte; je sens son poids sur la table qui n'est pas moi. C'est long, long, cette impression de poids, ça ne passe pas. Il n'y a pas de raison pour que ça passe. A la longue, c'est intolérable... Je retire ma main, je la mets dans ma poche. Mais je sens tout de suite, à travers l'étoffe, la chaleur de ma cuisse. Aussitôt, je fais sauter ma main de ma poche; je la laisse pendre contre le dossier de la chaise. Maintenant, je sens son poids au bout de mon bras. Elle tire un peu, à peine, mollement, moelleusement, elle existe. Je n'insiste pas: ou que je la mette, elle continuera d'exister et je continuerai de sentir qu'elle existe; je ne peux pas la supprimer, ni supprimer le reste de mon corps, la chaleur humide qui salit ma chemise, ni toute cette graisse chaude qui tourne paresseusement comme si on la remuait à la cuiller, ni toutes les sensations qui se promènent là-dedans, qui vont et viennent, remontent de mon flanc à mon aisselle ou bien qui végètent doucement, du matin jusqu'au soir, dans leur coin habituel.
Je me lève en sursaut: si seulement je pouvais m'arrêter de penser, ça irait déjà mieux. Les pensées, c'est ce qu'il y a de plus fade. Plus fade encore que de la chair. Ça s'étire à n'en plus finir et ça laisse un drôle de goût. Et puis il y a les mots, au-dedans des pensées, les mots inachevés, les ébauches de phrases qui reviennent tout le temps: "Il faut que je fini... J'ex... Mort... M. de Roll est mort... Je ne suis pas... J'ex..." Ça va, ça va... et ça ne finit jamais. C'est pis que le reste parce que je me sens responsable et complice. Par exemple, cette espèce de rumination douloureuse:
j'existe, c'est moi qui l'entretiens. Moi. Le corps, ça vit tout seul, une fois que ça a commencé. Mais la pensée, c'est moi qui la continue, qui la déroule. J'existe. Je pense que j'existe. Oh! le long serpentin, ce sentiment d'exister - et je le déroule, tout doucement... Si je pouvais m'empêcher de penser! J'essaie, je réussis : il me semble que ma tête s'emplit de fumée... et voila que ça recommence:
"Fumée... ne pas penser... Je ne veux pas penser... Je pense que je ne veux pas penser. Il ne faut pas que je pense que je ne veux pas penser. Parce que c'est encore une pensée."
On n'en finira donc jamais?
Ma pensée, c'est moi: voilà pourquoi je ne peux pas m'arrêter. J'existe par ce que je pense... et je ne peux pas m'empêcher de penser. En ce moment même - c'est affreux - si j'existe, c'est parce que j'ai horreur d'exister. C'est moi, c'est moi qui me tire du néant auquel j'aspire: la haine, le dégoût d'exister, ce sont autant de manières de me faire exister, de m'enfoncer dans l'existence. Les pensées naissent par derrière moi comme un vertige, je les sens naître derrière ma tête... si je cède, elles vont venir la devant, entre mes yeux - et je cède toujours, la pensée grossit, grossit, et la voilà, l'immense, qui me remplit tout entier et renouvelle mon existence. (...)
Je suis, j'existe, je pense donc je suis; je suis parce que je pense, pourquoi est-ce que je pense? je ne veux plus penser, je suis parce que je pense que je ne veux pas être, je pense que je... parce que... pouah!


Jean-Paul Sartre - La Nausée

mercredi 25 avril 2012

c'est étrange : cette acceptation du score écoeurant du FN, cette résignation nationale, cet abracadabrantesque flirt avec un corps electoral qui flirt lui même avec le quotient intellectuel d'une mouche (...) c'est étrange : de constater que dans la captiale et sa région, le FN obtient un score très moyen, alors que dans l'Aude, en Eure et Loir, en Champagne Ardenne, en Corse, le populisme réalise plus de 20% (...) c'est étrange : un futur ex-président qui s'époumone d'obscénité en obscénité, et qui n'hésite pas à brailler qu'il est l'ami du peuple, alors qu'il est le principal responsable de la percée avilissante du FN (...) c'est étrange : d'imaginer une seule seconde que l'extrème droite pourrait incarner demain les "valeurs" de la droite dite Républicaine, et prendre ainsi le pouvoir (...) c'est étrange de consater que l'histoire se répète toujours, inlassablement, encore et encore ... et que l'homme néglige sa mémoire

kOLya

mardi 24 avril 2012

STAR 2.0



ça peut être fatal de trouver son étoile ...
music by Carl Phaser - Domination
STAR 2.0 - vidéo by kOLya © 2012

lundi 23 avril 2012

Que sommes-nous d’humanité dégradée, avilie, échouée sur le galbe naissant du sein d’une fillette à peine assassinée. Saurons-nous un jour, une minute, un instant, penser tzigane, juif, communiste, homosexuel, palestinien, indien, noir, tamoul, kurde, handicapé… Dans la pâleur de l’aube, la parole hésite entre silence et résistance. Chaque homme pourtant, chaque homme qui aime vraiment, chaque homme qui meurt vivant, est une victoire, une promesse de rose, une espérance. Que sommes-nous d’humanité quand le monde obscène accroche à ses chemises brunes nos ultimes étreintes. Les loups lentement équivoquent. Nous les crabes finissons par nous taire. Seuls nos yeux damiers pourpres recomposent nos villes malades. Demain, aujourd’hui déjà, mille utopies claires et brutales alluvionnent nos âmes. Tendrement l’hirondelle se distingue du vautour… René Char

mardi 17 avril 2012

.. et je la vois partir au loin,
l'ombre calme de mon impuissance,
l'ombre glaçée d'un souvenir d'aurore,
je la vois partir et je me soumets ... affichant ma plus digne tristesse

... and I see from afar,
the dark quiet of my helplessness,
Chilled shadow of a memory of dawn,
I see it from and I submit ... displaying my most worthy sadness

kOLya

© kOLya

© kOLya
Il parlait à ses rêves comme on parle à ses morts
Et je garde la blessure de ses gestes de sang,
comme on garde en mémoire le parfum de l’amant
Et la foule ne voit que ses yeux qui s’engagent,
alors même qu’ils s’éteignent au milieu des sourires
Il parlait à ses rêves comme on parle à ses morts

Michel Giliberti

vendredi 13 avril 2012

Être fort, c'est résister. C'est difficile, c'est éprouvant et c'est tous les jours, mais on peut y arriver, surtout quand on est deux. Mais si tu es trop lâche pour trouver le courage de te battre, disparais. Si je ne parviens pas à te convaincre que tu appartiens à ce monde, qui le pourra ? Mais si tu choisis de ne pas te battre, n'espère pas que je pleure ou que je me lamente sur toi (...)

Buffy contre les Vampires

mardi 10 avril 2012

- Vous avez le droit d'être de droite monsieur, ne me jouez pas ce couplet de l'homme indigné qui cherche une parade pour légitimer son candidat (!). Et moi j'ai le droit de mépriser (infiniment) Nicolas Sarkozy, pour s'être fait passer pour un président pendant cinq années (...) et j'espère ouvertement qu'il perdra ces Élections et se dissoudra dans le temps ... pour toujours

kOLya

lundi 9 avril 2012

FRAGILE


FRAGILE (adjectif : susceptible de se briser facilement)
Parental Advisory/explicit content - vidéo by kOLya © 2012

lundi 2 avril 2012

I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your loveI’m addicted to your love I’m addicted to your loveI’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love I’m addicted to your love (...)
Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur : la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l’exercent, et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime (...)
Aung San Suu Kyi
Ainsi quand de leurs loges ils se sont élancés, les quadriges de chevaux augmentent tour à tour leur vitesse ; en vain le cocher tire sur les guides ; les chevaux l'emportent et l'attelage reste sourd à ses rênes.
Virgile